Après les constructeurs bois, les bureaux d’études et la base INIES (voir toutes les interviews en fin d’article), le cinquième volet de la série d’entretiens sur le thème du bois et de la RE2020 donne la parole aux architectes. Christophe Millet, architecte D.P.L.G, trésorier du Conseil National de l’Ordre des Architectes, s’exprime sur la manière dont ils se sont emparés de la RE2020. Quels changements a-t-elle introduits dans le travail architectural, quels freins et leviers identifient-ils pour son évolution et pour le développement du bois dans la construction ? Christophe Millet fait le point. 

COMMENT LA MISE EN PLACE DE LA RE2020 A-T-ELLE ÉTÉ RESSENTIE PAR LES ARCHITECTES ?

La période qui a précédé la sortie de la nouvelle réglementation thermique a suscité beaucoup d’interrogations, notamment sur les enjeux de décarbonation. Mais ces incertitudes ont vite été écartées par les maîtres d’ouvrage, qui ont d’emblée témoigné d’intentions fortes dans l’atteinte des futurs paliers de la RE2020. Malheureusement cette volonté s’est heurtée à l’évolution du contexte économique et à la hausse générale des coûts des matériaux, avec pour conséquence une stabilisation des ambitions autour des niveaux planchers de la réglementation, là où nous aurions espéré que cela aille plus vite.

QUELS PRINCIPAUX CHANGEMENTS LA RE2020 A-T-ELLE INTRODUITS POUR LES ARCHITECTES ?

Pour mesurer l’impact de la RE2020 sur les projets, les maîtres d’ouvrage se sont davantage tournés vers les bureaux d’études fluides et thermiques, qui interviennent dorénavant de plus en plus en amont. S’ils répondent à une nécessaire logique d’efficacité économique, ces choix en amont ne doivent pas ralentir la montée en puissance dans les paliers de la réglementation et faire oublier que le premier levier d’optimisation environnementale demeure la conception architecturale, et la sobriété constructive qu’elle peut générer. Le sujet de la RE2020 et de la notion d’impact carbone replace donc notre profession au cœur du processus de la construction. Les architectes se sont formés. Les agences qui ont eu un rôle précurseur dans cette transition ont beaucoup inspiré la profession, tout comme les bureaux d’études structures bois. La plus grande majorité des 30 000 architectes opérant en France est prête à avancer sur ce terrain pour lever les freins qui peuvent subsister dans la commande, notamment celle du logement. En dehors des grandes métropoles, très volontaristes sur le sujet, celle-ci peut encore fortement progresser et, avec la stabilisation des prix des matériaux, on a vraiment hâte de passer aux prochains paliers de la réglementation.

QUELS SONT SELON VOUS LES PRINCIPAUX LEVIERS POUR ACCÉLÉRER LE DÉPLOIEMENT DES ÉTAPES DE LA RE2020 ?

Il est nécessaire de repenser le processus d’ATEx1, pour le rendre plus rapide, moins fastidieux et moins coûteux. Cela aura un impact important dans beaucoup de projets, par exemple sur les techniques de revêtements de façades, sur les Eurocodes liés à la pierre ou sur les aspects de sécurité incendie. Ensuite nous avons besoin que les constructeurs bois puissent accompagner les économistes plus étroitement en phase d’estimation des lots charpentes, car on manque encore de références pour estimer de façon fiable les solutions décarbonées. Avec certains secteurs géographiques où il est parfois très difficile d’obtenir des réponses chiffrées, c’est une source d’incertitude qu’il faut atténuer.

VOYEZ-VOUS D’AUTRES LEVIERS IMPORTANTS LIÉS À LA CONSTRUCTION BOIS ?

Tout fabricant français ou étranger ou groupement de fabricants peut déposer une FDES. Chaque FDES est ensuite vérifiée par une tierce partie indépendante habilitée selon un programme INIES. Au 1er mars 2023, 32 vérificateurs sont habilités par INIES, chacun pour une durée de 3 ans. Leur rôle consiste à vérifier la conformité des FDES à la norme européenne EN 15804 et son complément national, aux décrets et arrêtés en vigueur en France et au règlement du programme INIES.

VOYEZ-VOUS ÉGALEMENT DES LEVIERS À LEVER EN PHASE D’EXÉCUTION ?

En phase d’exécution, les chantiers décarbonés constituent des expériences extrêmement encourageantes pour les architectes. Nous pouvons intervenir sur les assemblages, sur les alignements, la matérialité et les circuits courts. La préfabrication, en hors-site et en filière sèche, représente pour nous un réel enjeu de qualité de réalisation. Les conditions de travail des ouvriers sont meilleures et c’est un point qui rassure beaucoup les architectes, de même que la formation des compagnons. Cependant les coûts sont encore trop élevés. Les quelques interrogations que nous pouvons rencontrer en phase chantier portent essentiellement sur les matériaux d’isolation biosourcée “émergents” pour lesquels nous manquons encore d’expérience pratique, par exemple le liège ou la paille de riz, dont les conditions d’usage doivent encore s’affiner, notamment en zones humides. Enfin, les architectes continuent de se former afin de mieux appréhender la vérification des structures bois et ses spécificités, ce qui va leur permettre d’engager leur responsabilité avec une plus grande sérénité.

EN SAVOIR PLUS SUR LES ATOUTS DU BOIS DANS LE CADRE DE LA RE2020 : CONSULTER LE DOCUMENT DU CODIFAB « CONSTRUCTION DURABLE ET RE2020 : 7 RAISONS DE CHOISIR LE BOIS »

DÉCOUVRIR UN OUTIL UTILE DANS LE CADRE DE LA RE2020 : DE-BOIS, LE CONFIGURATEUR DE FDES À DESTINATION DES MAÎTRES D’OUVRAGE, DES MAÎTRES D’ŒUVRE ET DES ENTREPRISES

Photo en haut de page : détail de la charpente en bois lamellé du centre de congrès d’Agordo en Italie. Maître d’ouvrage : privé. Maîtres d’œuvre : Studio Bressan & Studio Botter. Crédit photo : Simone Bossi.

En savoir plus

Découvrir le Conseil National de l’Ordre des Architectes et ses actions : www.architectes.org

Lire les autres interviews sur le thème du bois et de la RE2020

Lire l’interview de Clément Quineau, Responsable des Affaires Techniques de l’UICB.
Lire l’interview de Sylvain Rochet, Président de l’Association Ingénierie Bois Construction (IBC).
Lire l’interview de Rosalie Delannoy, ingénieure Énergie Environnement du bureau d’études Pouget Consultants.
Lire l’interview de Caroline Lestournelle, Présidente du Comité Technique de la base INIES

1  ATEx : Appréciation Technique d’Expérimentation délivrée par le CSTB.